dimanche 29 septembre 2013

Ce serait une bibliothèque de banlieue





Ready-Recovered

Au cœur de la ceinture proche de Paris, capturé en format « objets trouvés » à la manière des surréalistes ou de « ready-made » de Duchamp ou encore de « ready-destroyed » de Bertrand Lavier, des objets, à inscrire dans un processus de recovering, « ready-recovered », éphémères sculptures capturées, en ce sens elles sont « recovered » ou remémorées après leur disparition dans l’espace muséifié d’une photothèque, et par l’écrit qui accompagne les photographies, « recovered » comme réhabilitation de ces petits sèmes de banlieue, « recovered » par les images/textes qui donnent à voir de ces villes les splendeurs envolées du quotidien.




Littéralité d’une bibliothèque |




Dans ces espèces d’espaces qu’on croise quand on marche, dans le plan du trottoir quand y a le beat, le bruit des pas qui vont de l’avant, on hache du regard les bans, on vibre aux petits dieux de rien, de ci de là, et tout à trac dans l’arc des yeux la moisson des berlingots, les livres éphémères montés en piles, bibli, bib, on a trouvé, ce serait une bibliothèque de banlieue.
  




La scène |


Le monde est une scène, découpez délicatement le long du pointillé. Trois plans, conserver la fenêtre mais ne pas s’enfermer dans les croisillons, ça assombrit, ça limite. Passer au second, révéler les amours d’antan, les arches, les chenaux et les murs travaillés, au fond le fond de scène, et le tout fait théâtre sur cet étrange chantier, la vie c’est ça, ça sculpte pour la frime, mais en fait ça cache la mort, le love/la mort, c’est pareil, pas loin le néant, tout près de l’accès, un rien vous dit la ville, plus qu’on en sait jamais sur la vie.  







Pas la forme, ce matin |

Pas la forme aujourd’hui, suis un peu éreintée depuis le feu d’hier, on m’a laissée là à l’entrée du parking, vent de révolte finit souvent sans roues, sont où nos belles envolées révolutionnaires, finissent dans les halos des cocktails, molotovienne gueule de bois, en métal la gueule ouverte, faudrait une p’tite pilule, un dop, ma signature, quoi je me shoote à l’orgie de rouge, le diable serait passé par là, piqué le bloc moteur et les phares, la calandre, le capot aussi, la p’tite voiture elle est éteinte, ce serait comme ça au début, une pas grand-chose qu’attend trop rien.





Wooh, Wooh |

Wooh, Wooh, tu entends le brinquebalement du train, ça file très vite, juste le temps de l’attaquer dans le viseur qu’il te file entre les yeux, les trois couleurs qui disent viens, stoppes, rêves, dans la ville, c’est la petite musique qui dit que ça va bien, qu’on espère, et au milieu coule la rivière, c’est ça les machines ça réveille la nature, ça la surplombe, ça la surprend, ça interfère. A peine là, que déjà parti, et ça reviendrait, sans prévenir, qui pour regarder l’heure, petites voitures tournent le    dos, aiment pas se laisser prendre.





Sculpture à l’improviste |


Point n’est besoin de sculpteur pour la sculpture de ville, elle se tient posée en évidence, et même pour le coloriste, on saurait s’en passer, parce que la peau de peu sait s’imposer à vue, elle peut se déployer en sorte d’explosion, quand on la laisse faire, elle s’épanouit comme ces fleurs du mal en lien dans les quartiers, elle s’offre ainsi le piédestal à quatre côtés, mastoc un peu trop large, (pierres à mur bétonné, ni bois torsadé, ni bloc de marbre, pas de curateur pour penser le socle), elle ose même s’appuyer à un arbre bien droit, solide, s’intégrant à l’espace, le constituant comme échelle vers un au-delà qu’on n’aperçoit pas, les sculptures de ville, c’est comme ça, ça choisit où ça se pose, on ne demande pas par quel hasard, on n’aurait pas pensé mais c’est là malgré tout, celle-là fait point ou tache, fait trou de serrure aussi, si on y regarde bien le dense du tissu n’oblitère rien, ce rouge presqu’acide à première vue n’est que douceur, il chatoie, il fait huître à deux bras, accueillante de l’arbre, qui échappe vers ses propres lumières, -une verticalité un peu inattendue mais le ton reste discret, assez plaisant en fait, s’occupe du feuillage tête en l’air, on ne sait pas lequel, il est hors du cadre-, alors elle reste en bas, la sculptures de toile, elle se fait ready-made de banlieue, sans doute son statut, le plus beau, celui qui éclaire le chemin des pauvres, leur fait voir le bonheur de vivre dans l’ombre d’une place en clairière, -la place aveugle des cités, celle qu’on a inventée n’est pas née de l’aggloméré du temps, elle a été pensée place, ou plutôt résidu, plus petit dénominateur, c’est pour ça que peu chère, sans fontaine, encadrée, résultat des autres structures autour, tout de sa forme est produit de plans et du peut pas faire autrement, tentatives renoncements d’architectes que ne tente que la matière pas le vide au creux, mais dénominateur commun, en commun, quadrature du rectangle en solidarité- et ça fait vitrine pour la sculpture coquelicot, légère, facile à agiter, un rien la déséquilibrerait, vaguement excentrée sur l’image, mais bien dans la lumière, semblant se retenir à l’arbre, elle sphère et lui en contraste cylindre, étroit le cylindre, qui ne fait que ce qu’il doit faire, pousser vers le haut, peut-être qu’à le faire longtemps il fera exploser le cube et même repoussera la penchée comme ça par inadvertance, mais pour plus tard, la margelle l’entoure à distance et ce volume de sable loin d’être rempli, pourtant le risque existe aussi d’un coup de vent à trop attendre là, rien pour accroche, pas d’harnache, pas d’ancre, alors peut-être un jour ira-t-elle plus loin faire la rolling stone, la beauté naît de ça, l’éphémère, le rien de garanti, cette magie de l’instant, mais en attendant ils se tiennent là, lui tronc pas fier, elle en adhérence mystérieuse et comme collés à bouches. Pour ça que le regard n’en fait qu’une seule de sculpture, support/surface « arbre et tente ».





Vous avez un message |



Vous avez un message, sans bouteille à la mer. Le vent qui les entraîne, le souffle des mots, la poésie se pose, même quand c’est pas beau, on croit que c’est un P. et puis un Q., mais non, c’est le bonheur des lettres se posant sur la ligne d’un pêcheur qui guette, qui attend dans le gris, le brouillard du matin on ne sait s’il promet, on attend de lire ce que la lettre dit.







Truck and go |


Le truck imposant, dont on sait qu’il partira sans doute, mais il est là, la marque n’est pas de lui, elle est sur la barrière, mais sera tout aussi éphémère, et cette rémanence des ponts bleus à l’arrière, insatiables, le monde entier à passerelles kits de la couleur préférée, l’au-delà d’une rivière pensée dans sa forme de prêt-à-franchir, alors le rhinocéros paraît presque nouveau dans le paysage, on prend sa force, sa disponibilité, sa capacité, son entêtement d’être et ses zébrures noires comme un cadeau, il ne tremble pas et on sait qu’une fois moteur allumé, ah, fera gémir les piliers et le sol, terra motta, molle la terre après son passage. Donc à saisir avant qu’il ne quitte.




Mixer de ville |


 

La rouge à cheveux blonds dans l’éclat d’un soleil, en fin d’après-midi, attend sa lèche, l’aime bien, il suffit d’un volant bien manipulé, de charge de sable, de poudre grise et d’eau, la rouge elle aime bien ça la mixture à la pelle, se fait pas prier, peut même rouler et disparaître quand le chantier est fini.








Rhapsody in yellow and orange |


 

Un couple de péniches accoste, pourquoi le dire, c’est évident, biens complémentaires, les bateaux font tache sur le gris de l’ordinaire, sans doute venues de loin, de Hollande ou d’une Île pas vilaine, font deux ailes, un papillon, posé sur l’eau, elles font trempette aux bites d’amarrage, on le devine, et même les liens du couple à quai. L’intérêt de l’attraper, avant qu’il file vers d’autres rivages. La couleur ça étonne, ça plaît, et puis ça émoustille, c’est dans la nuit que ça démarre.








Prenez soin de vous |


Prenez soin de vous, prenez-vous en main, tâtez-vous le toit, couvrez-vous, on ne sait jamais de quoi le ciel est capable, la tuile c’est quand il n’y en a pas, de toit, qu’il laisse passer les larmes et le reste, alors mettez le condom, prenez la toile par la corde, tendez-là, arrimez vos abattis, toc toc c’est la pluie, qu’importe, le vert est à déploiement, il ment sur la couleur de la couverture, n’a même pas fait semblant, les draps c’est comme ça, ça ne respecte rien, ça couvre mais on y voit quand même la forme, parce que ça plaque et que ça moule, avec juste ces petites ridules qu’on sait qu’on tend pas assez.











Les petites chambres |

      
En douce, parquées, à la queue-leu-leu, les petites chambres du samedi soir d’une rue, le temps d’un week-end, on ne dit pas ce que font ceux qui, derrière les lucarnes calfeutrées, mais dans l’orifice du milieu l’orange dit assez que ça s’éclate, ça secoue, ça on pourrait le voir, peut-être rester jusqu’au soir pour deviner ce que dans fiacre fait, mais à cette heure, on fait sans doute la sieste, on va remplir sa poubelle bientôt, on sortira par derrière côté cour, parce que côté jardin c’est public, on voit passer les citadins, ceux d’ici, et puis demain ceux d’ailleurs, on se déplace en clan, trois caravanes, trois familles, promiscuité des regards à l’heure où, mais on vous dit, à cette heure tout est calme, peut-être partis au centre-ville, direction grand magasin, mendier de quoi revenir au soir et pour le reste pas n’est besoin d’argent.




A l’intérieur |



A l’intérieur, ça vit, ça passe d’une pièce à l’autre, ça structure, c’est la mire, la pelleteuse charrie, va et vire, tant va la cruche à l’eau, les papiers peints se font, on va même à layette, ça croît, ça se lasse, et puis un jour juste les murs à traces, les murs qu’on efface, les papiers peints se défont, dans le passé ça migre, c’était bien, c’était bien, et puis adieu au cat.





Les acacias|


Demain auront disparus les acacias. Les acacias ça agace, ça turlupine, ça vibre quand on souffle dessus, à travers, et devant la cahute précaire l’acacia fait figure vivante, parce que le cœur il est fendu, il tressaille de toutes ses flèches, la porte sait qu’on va l’abattre et même la fenêtre avec ses gonds l’air si solide, elles comme les murs sont promis à démolition, comme ça, l’amour, ça va, ça vient et puis ça part, tube rouillé fait croix devant, ici gît un amour défunt.







La fin au scieur de vie|





Les billes de bois prêtes à l’assaut, à quoi ça sert, la palette est de guingois, a l'air plus légère, jusqu’à la planche de peu et point final, tout du cycle d’une vie d’arbre là, la ligne enchevêtrée, le tas, le tas, et toi t’es là à contempler de mort à mort le travail du scieur de vie.
20 septembre 2013




vendredi 9 août 2013

Variations pour un été : osé hier (MàJ4)

 


1________________________________________________________________________________
Arrivée dans ce paradis du schiste, le brillant sur chaque parcelle de l'écran, du retour des feuilles de chênes verts aux remblais des routes, et ce matin, ton paysage, la contemplation à ta fenêtre, les à-pics plus forts que soi, la transcendance ; s'il en est Un, il est là.
Ces humains qui vivent à l'année dans la rude vie des maisons d'antan, avec internet et salle de bain cependant, ça fait la différence, parce que le monde s'ouvre doublement, dans la perspective physique comme dans celle virtuelle, le monde est un hameau.
Ravitaillés par les corneilles. Elle dit vrai, composer avec le lacet, le lacet qui rend tout tellement loin, les vallées qu'il faut enfiler les unes derrière les autres et sans doute par temps dur l'hiver.
T'enfonçant dans ces sinuosités, cette impression d'une nuit sans fin, superposition de la nuit de la veille, c'était d'abord le sombre où tu aimes te perdre, comme te perdre ces derniers temps, cette jachère en toi que tu acceptes enfin, mais n'en sais pas le bord, où le ne pas aller trop, et l'obstination de soi, en toi depuis. Puis tu as eu peur, hein, avoue, tu t'es perdue, tu as eu peur, tu as tenté des raccourcis, tu as eu peur, échoués, tu as eu peur, tu as tenté un autre paysage, tu as eu peur, peur d'un virage en épingle mal négocié, peur d'un écart pour éviter un sanglier, peur de verser dans ces failles de la montagne, peur de ne pas savoir sortir d'une carcasse. Peur. Connu ce sentiment sur un voilier, aux îles Scilly, quand les vagues de cinq mètre donnent cette sensation que le bateau sombre, pour ne plus remonter.






Ici, quand on oublie quelque chose, faut renoncer. Radicalité d'un choix, qui va avec création, méditation et slow life. La vie dans ce rythme lent, qui t'attrape sitôt arrivée, et le miracle, c'est qu'il y a place pour une civilisation ici, les amis autour, le travail, un lieu de trois maisons, pris en passant pour un hameau abandonné, mais c'est un centre, une activité à temps plein, occuper le pays, le construire, lui donner ses facilities, et fondations passent par là et ventes artisanales et cybercafé et plus tard centre de formation.

Le vert, la montagne, foundamente, et puis les configurations du ciel, une étoile filante, on se sent l'âme mystique dans ces Marches de la Lozère. Et pourtant ce n'est qu'un pays d'hommes et de femmes.
  
 
2
__________________________________________________________________________________
La suite du chemin, c'était. Ce bar, en bord de village, où tu es entrée boire un café, le couple, la femme qui te souligne toi seule si tard sur la route, et toi peur encore, peur de sa peur à elle, puis cet homme à la tête aveyronnaise, qui ne parle pas qui écoute, te laisse raconter un peu, comprendre ce qui te met là, puis annonce l'arbre et puis l'arbre qui vont jalonner ton, comme ça tout à trac, un GPS vivant, un qui parlerait homme. Et tu remontes plus courageuse, la voie lactée là-haut.
Le soir, tous ces gens, les néos, venus là dans les soixante-dix, le soir, dans cette maison-hameau, labyrinthe à six portes d'entrée, douze escaliers ou petites marches, toilettes sèches, sept poubelles (et liste des surnuméraires), le petit bureau avec la baratte à usage lutrin, le grand bureau et la bibliothèque qui en fait le tour, l'écrire-produire en tous genres, palais borgésien, si on est là, c'est qu'on a tous choisi d'y vivre.
 
Et les guitares ne manquent pas. Celle qu'il te passe, une folk, Alhambra, ça existe ça en folk ?, et là sonne comme une Gibson, souvenir de ta vieille cassée par le chat des voisins, son velouté, ce toucher doux et profond, et sonore si sonore, une chapelle romane à se perdre, les Espagnols ont profité d'une série pour Gibson, ont copié et la copie aussi belle que l'original. Ta G., achetée à Londres avant de repartir, passé tout ton salaire de job d'été pour petits friqués en goguette, logeant chez, dans le Kent, souvenir d'un loup noir et d'une veste d'astrakan.




J'ai vu pousser un arbre dans un mur et pousser la pierre dans l'arbre.

Dans le jardin, les récits s'enchâssent. Les trois chorales, une pour chansons révolutionnaires, une chorale d'hiver, une autre encore, un théâtre, quelques vers d'un poète. Et puis cette histoire que le vrai souci des abeilles, ce n'est pas principalement le pesticide, mais le varroa, ce pou des ruches qui tue les ouvrières et que les reines d'ici ne savent pas trucider, contrairement à celles d'Asie, -Asie, d'où le nuisible est venu dans les années quatre-vingt, suite à une mission d'apiculteurs cévenols dans les pays là-bas, se vantant de leur savoir faire, qui en ont rapporté le fléau-, qui détruit plus fort que le toxique américain. Ce que ne disent pas les apiculteurs, car ils devraient alors dire leur indélicatesse à traiter eux-mêmes leurs essaims aux produits tueurs. Et le bon miel alors n'est que, la femme aux ruches dit qu'elle traite aux produits doux.

Et puis cette affaire plus étrange de la fécondation des figues, le Blastophaga, la femelle qui niche dans la figue, et que le mâle vient forcer au travers du fruit, le et la fécondant dans le même mouvement. Et le secret du jus de pomme de l'hôtesse, cinq pour cent de jus de coings. Et la courgette jaune parfumée au citron confit, quelque chose du Yuzu. Quand les histoires de filtre, comment la terre, comment les conteneurs à tamis, comment l'eau fait le tour de la matière, de la source au robinet et retour à l'arrosage. Ces petites sciences au labeur, penser local, local, local, mais réfléchir global, global, global.

 
 

3
__________________________________________________________________________________
 
Et puis la creuse, plonge dans le sillage, ce sera Maison des Vents. 

Et là, on n'en dit rien, que poésie qui vient.


Et cette branche du figuier prolonge le vent, le précédant de tout son élan.
Un viatique déposé dans une conversation, que Claude Simon a écrit et longtemps vécu là, courir chercher l'eau pure dans les non-rizières qui font signe,

et puis le soir cours sur la spiruline.
 
4
__________________________________________________________________________________
Retour au Pays des îles, et là acclimatée, sortilège des noms de Pays, se mettre à écrire.
Et vient le couloir des damnés, deux fois aller là, tous alignés dans la salle de canicule, Plan C. du Préfet, aller dans le désir le voir, l'avé, le vieux, Léo, celui qui parle, rit, dans l'aphasie de production, si le geste d'un jour avait dit le contraire, aujourd'hui, le trois était bien un trois, geste regard et parole, le serpent cognitif, ça monte et ça descend, mais qu'est-ce qu'ils attendent pour l'orthophon, les budgets sans doute, toujours aussi dandy d'une main et d'une jambe, dans son parler de peut-être il peut, le toucher, le caresser, manger avec lui, et voir l'institution dans ses petites misères, pour la 2002-2, oublie, et lui de se marrer, gardé son quant-à-lui, dans l'hémi pas blêmi.

Et la vieille Augusta muette et sourde peut-être, son regard de sorcière, sa barbe de trois jours et ses coups de colère, ne passe rien à l'imbécillution, toute à l'affaire de sa boucle d'oreille, couleur corail aujourd'hui, et ceux qui gardent, veillent, signalent "pas mixé s'il vous plaît", et "demander le choix pour le café", c'est pas toujours pareil, l'aphasique aime varier, alors ne pas calquer les jours sur les jours, sortie d'enfer mais y retournera.



Et quand y retourne, le soleil brille, jazz pour tous, et voir Léo fredonner The Girl from Ipanema, et ça n'a pas de prix.
 
 

Et l'oiseau qui s'obstine à s'appeler rossignol du soir au matin,
quand ce n'est peut-être qu'un merle. Qui verra.
 


5
_________________________________________________________________________________
A l'heure où hurlent les chiens, le clandestin théâtre est arrivé dans la clairière aux soucoupes flottantes. D'entrée, le grand Camus, un mythe de Sisyphe, planter le décor de l'homme harnaché à son rocher, ce sera Histoires de Pierres ce soir, et nous rencontrons les écrivains de la roche, Pierre Coste, Marc Dombre, puis dans la Suite Cévenole André Chamson.






Nous débusquons les mots de la façon ou plutôt ce sont eux qui nous débusquent par l'enchantement d'une litanie, les mains fatiguées, les murs à pierres sèches -murailles de soutènement, calades tapies de pierres posées sur chant, fondations de gros blocs, les semelles, choisir pour chaque pierre l'assise du socle rocheux lorsqu'il affleure, ira en enchevêtrement transversal, de temps en temps la fourrure qui calfeutre et éclats de calage, le jointoiement jamais trop large, vérifier le pendage intérieur ou extérieur, savoir comment résister à la pente, les boutisses pour terminer la clé horizontale -, et tous ces mots du faire, la voix narrative de ce maçon, Marc Dombre, une poésie sonore, ou de Jean Yves Royer, qui fait dans sa nouvelle "Jean des pierres", une ode à une vie minuscule, nouvelle poétique en technidolor. Il les entend les sons de ces cailloux, -ils le réveillent la nuit-, "un bon mur est un mur qui sonne bien", et chaque stone sait dire si on l'a déportée, seul Jean sait faire chanter les murs.




Les lecteurs  en répons, Cyril Djalmit et Mathieu Grenier du Théâtre Clandestin, savent effacer les traces pour apporter les textes, puis Sébastien Potrich glisse sur le piano à bretelles les mélopées de la pierre, comme une maladie qui fait pleurer.
 
 
Le soir, dans la pénombre, s'échangent les paroles, le bout de brebis sur un coin de pain, le vin et la soirée finit en accordéon, en passant, Le petit bal perdu de Bourvil, et tous ses changements de ton.
Le vert, la montagne, foundamente, les sombres histoires de villages, les rires d'amis, le pou et la figue,  la fuite et la ligne claire, le vieux et puis le jeune, générations mélange, les mots de la peine et de la joie sur la pierre,  un petit bal perdu qu'on fredonne tous ensemble, et puis les configurations du ciel, une étoile filante, on se sent l'âme mystique dans ces Marches de la Lozère. Et pourtant ce n'est qu'un pays d'hommes et de femmes.





6
_________________________________________________________________________________ 
Bien entendu parler du pont de C. Une révolution. 
Chasser les ponts en kit qu'on pose en deux secondes et que le moindre torrent d'hiver fait verser. C'est qu'ils n'ont avec leurs ancêtres, les vieux ponts de pierre, qu'une lointaine parenté, c'est le pont du X-pont, qui ajuste au moderne, fait dans le prêt-à-poser et même le prêt-à-penser, vite fait bien fait à deux jets. Même si j'en ai connu des X-pont, plus conscients, c'est même le lieu que j'ai préféré, l'Equipement, quand ils sont biens, sont biens.

Ces ponts qui résistent bien au-delà des années, il fallait se saisir de l'opportunité, chercher à les imiter, puisque ceux-là persistent. Alors le pont de C., une expérience sous microscope, trois ou quatre ans pour reconstituer la méthode, comprendre les coups de main, l'orientation vis-à-vis de la pente, la hauteur, s'abstraire des apparences, en père de famille savoir qu'on investit davantage, mais pour le long terme, un pont du collectif, un pont commun, comme on verse chacun aux titres de la SCIC, pas de ces mécènes qui bluffent pensant donner leur nom au moindre chèque vite fait, ici pas de pont de pacotille, du qui-ressemble, mais le pont concret, veut de ceux-là  toute la durabilité d'antan, le pont revisited, comme une visite à l'Antique qu'on fait pour son bien, un hommage. L'ancien le mérite, sans fausse nostalgie, mais d'actualité donc.

7
________________________________________________________________________________
Question d'orage en météo, la veille on débranche, le matin on constate, pas d'ondulateur, les deux ordinateurs resteront muets, on repousse les fils d'électrique crainte. Ô rage, ô désespoir, ô leurres infinis, pas un orage, mais des orages, une défilé d'orages comme à la parade, qui gère le paysage, tiens un coup par ici, tiens un coup par là, va faire un tour ailleurs, dans la vallée voisine, à peine que tu espères qu'il revient d'un éclair te dire "je t'ai vue tenter de rebrancher", on se rue plus maligne défaire le noeud gordien, le trancher, rien à grignoter ici, de guerre lasse, on abandonne le jeu pervers, on tente de le prendre en flagrant délit, on mitraille en vain, puis on s'assied, on sait qu'on en aura pour la journée, ponctuation des pluies, on se plonge par dépit dans l'Eugenides qui reluque depuis des mois sur le bord du lit, ce lit-là ou un autre il reluque toujours, on y croit moyen, pourtant ça part pas mal, laissé en chemin, préférer la tablette, sur l'iphone le fatidique Réseau indisponible, rien à communiquer, bref on laisse tomber et petit carnet noir d'inscrire les poésies qu'on publie là comme ça.
L'artiste a installé la machine à vapeur blanche, qui recouvre à présent l'écran de sa neige.
Et en bande-son le tambourinement de grosse caisse,
donnant à la scène comme une arrière-salle invisible.
Un solo grésillant irrupte dans la vrille d'une seconde, à quoi échevelées les bass répondent.
Puis le son s'amenuise, on l'entend au loin provisoire.
La ballade balade et vient cinq fois, dix fois, vingt fois,
au moment où je dis, c'est déjà dépassé,
faire son refrain d'enfer, éclat de nerf ou quoi ?
Les doigts de Pierrot sur le piano vert vont et viennent en sourdine.
Accueille ton orage en sarabande, bande-passante, et prends ton écho en patience.
 
8
___________________________________________________________________________________
J'oserai, j'oserai dire que parfois l'encre est une maladie, un champignon hâbleur qui s'incruste comme le coucou qui veut sans vouloir, coupe la sève, prend l'énergie, l'encre du châtaignier ici est une tare, elle menace les coopératives à production chestnut en salé ou dessert, menace les hommes donc et ces femmes, qui tentent de vivre au pays, chiche, mais quand-même, peuvent pâtir de cette encre-là toutes les vallées qui mangent de cette économie. Et la tare se voit, la tache sur le vert, c'est le séché de la feuille, la mort de l'arbre, et derrière, tous les arbres. De vert deviendrait d'ocre, l'océan, frustration de ces gens qui redoutent, si on le laissait faire.
.
9
__________________________________________________________________________________
Et puis mangé chez C. repas végétarien. La vallée des deux côtés, cette sente étroite où à gauche comme à droite s'imposent les horizons, puis la descente d'une terrasse à l'autre, heures de bataille, l'immensité du territoire qu'on regagne sur la friche. Et sculptée dans l'arbre foudroyé, la statue d'Île de Pâques. 
Sur cette terre hospitalière, les invitations toutes conviviales, ne sont que longues tables mises sous la toile, arabesques de plats, assiette complète à la manœuvre ce soir, moisson des légumes du jardin, ce petit poivron iranien bercé à lents baisers, et le goût du sarrasin dans les crêpes.
Dans l'auto, je parlerai de la danse des autos dans les sous-bois plus tard, lui, qui drive côté droit, aime les américains, plutôt du côté du bûcher, ne connais pas William Gass toutefois, Au cœur du cœur de ce pays, recommandé, et elle, qui n'aime que les russes, Tolstoï, Dostoïevski et bien sûr, Nabokov, son favori. "Mon âme était saisie d'une sensation de polychromie, de liberté et de sublimité divines : je savais que j'étais au paradis".
 
Ressemble à W., l'appeler là tout de suite, l'amie de Magog, photo de nous, canoë sur la trace des beavers, et ce petit kiosque octogonal, pointe à panorama sur le lac, la joie dans l'accent, yeux et lunettes aussi.
Le vert, la montagne, foundamente, les sombres histoires de villages , les rires d'amis, le pou et la figue,  la fuite et la ligne claire, le vieux et puis le jeune, générations mélange, les mots de la peine et de la joie sur la pierre,  un petit bal perdu, qu'on fredonne tous ensemble, un pont à prochainement fêter, gestion patrimoniale, l'encre, celle qu'on déteste quand stérilise l'avenir, sourire de l'au-delà, et puis les configurations du ciel, une étoile filante, on se sent l'âme mystique dans ces Marches de la Lozère. Et pourtant ce n'est qu'un pays d'hommes et de femmes.
  



Retour aux archives du Blog Anthropia # blog