Ready-Recovered
Au cœur de la ceinture proche
de Paris, capturé en format « objets trouvés » à la manière des
surréalistes ou de « ready-made » de Duchamp ou encore de « ready-destroyed »
de Bertrand Lavier, des objets, à inscrire dans un processus de recovering,
« ready-recovered », éphémères sculptures capturées, en ce sens elles
sont « recovered » ou remémorées après leur disparition dans l’espace
muséifié d’une photothèque, et par l’écrit qui accompagne les photographies, « recovered »
comme réhabilitation de ces petits sèmes de banlieue, « recovered » par
les images/textes qui donnent à voir de ces villes les splendeurs envolées du
quotidien.
Littéralité
d’une bibliothèque |
Dans ces espèces d’espaces qu’on croise quand on marche, dans le plan du
trottoir quand y a le beat, le bruit des pas qui vont de l’avant, on hache
du regard les bans, on vibre aux petits dieux de rien, de ci de là, et tout à
trac dans l’arc des yeux la moisson des berlingots, les livres éphémères montés
en piles, bibli, bib, on a trouvé, ce serait une bibliothèque de banlieue.
La
scène |
Le
monde est une scène, découpez délicatement le long du pointillé. Trois plans,
conserver la fenêtre mais ne pas s’enfermer dans les croisillons, ça assombrit,
ça limite. Passer au second, révéler les amours d’antan, les arches, les
chenaux et les murs travaillés, au fond le fond de scène, et le tout fait théâtre
sur cet étrange chantier, la vie c’est ça, ça sculpte pour la frime, mais en
fait ça cache la mort, le love/la
mort, c’est pareil, pas loin le néant, tout près de l’accès, un rien vous dit
la ville, plus qu’on en sait jamais sur la vie.
Pas la forme, ce matin |
Pas la forme aujourd’hui, suis
un peu éreintée depuis le feu d’hier, on m’a laissée là à l’entrée du parking,
vent de révolte finit souvent sans roues, sont où nos belles envolées
révolutionnaires, finissent dans les halos des cocktails, molotovienne gueule
de bois, en métal la gueule ouverte, faudrait une p’tite pilule, un dop, ma
signature, quoi je me shoote à l’orgie de rouge, le diable serait passé par là,
piqué le bloc moteur et les phares, la calandre, le capot aussi, la p’tite
voiture elle est éteinte, ce serait comme ça au début, une pas grand-chose
qu’attend trop rien.
Wooh,
Wooh |
Wooh,
Wooh, tu entends le brinquebalement du train, ça file très vite, juste le temps
de l’attaquer dans le viseur qu’il te file entre les yeux, les trois couleurs
qui disent viens, stoppes, rêves, dans la ville, c’est la petite musique qui
dit que ça va bien, qu’on espère, et au milieu coule la rivière, c’est ça les
machines ça réveille la nature, ça la surplombe, ça la surprend, ça interfère.
A peine là, que déjà parti, et ça reviendrait, sans prévenir, qui pour regarder
l’heure, petites voitures tournent le dos, aiment pas se laisser prendre.
Sculpture
à l’improviste |
Point n’est besoin de
sculpteur pour la sculpture de ville, elle se tient posée en évidence, et même
pour le coloriste, on saurait s’en passer, parce que la peau de peu sait
s’imposer à vue, elle peut se déployer en sorte d’explosion, quand on la laisse
faire, elle s’épanouit comme ces fleurs du mal en lien dans les quartiers, elle
s’offre ainsi le piédestal à quatre côtés, mastoc un peu trop large, (pierres à
mur bétonné, ni bois torsadé, ni bloc de marbre, pas de curateur pour penser le
socle), elle ose même s’appuyer à un arbre bien droit, solide, s’intégrant à
l’espace, le constituant comme échelle vers un au-delà qu’on n’aperçoit pas,
les sculptures de ville, c’est comme ça, ça choisit où ça se pose, on ne
demande pas par quel hasard, on n’aurait pas pensé mais c’est là malgré tout,
celle-là fait point ou tache, fait trou de serrure aussi, si on y regarde bien
le dense du tissu n’oblitère rien, ce rouge presqu’acide à première vue n’est
que douceur, il chatoie, il fait huître à deux bras, accueillante de l’arbre,
qui échappe vers ses propres lumières, -une verticalité un peu inattendue mais
le ton reste discret, assez plaisant en fait, s’occupe du feuillage tête en
l’air, on ne sait pas lequel, il est hors du cadre-, alors elle reste en bas,
la sculptures de toile, elle se fait ready-made de banlieue, sans doute son
statut, le plus beau, celui qui éclaire le chemin des pauvres, leur fait voir
le bonheur de vivre dans l’ombre d’une place en clairière, -la place aveugle
des cités, celle qu’on a inventée n’est pas née de l’aggloméré du temps, elle a
été pensée place, ou plutôt résidu, plus petit dénominateur, c’est pour ça que
peu chère, sans fontaine, encadrée, résultat des autres structures autour, tout
de sa forme est produit de plans et du peut pas faire autrement, tentatives
renoncements d’architectes que ne tente que la matière pas le vide au creux,
mais dénominateur commun, en commun, quadrature du rectangle en solidarité- et
ça fait vitrine pour la sculpture coquelicot, légère, facile à agiter, un rien la
déséquilibrerait, vaguement excentrée sur l’image, mais bien dans la lumière,
semblant se retenir à l’arbre, elle sphère et lui en contraste cylindre, étroit
le cylindre, qui ne fait que ce qu’il doit faire, pousser vers le haut,
peut-être qu’à le faire longtemps il fera exploser le cube et même repoussera
la penchée comme ça par inadvertance, mais pour plus tard, la margelle
l’entoure à distance et ce volume de sable loin d’être rempli, pourtant le
risque existe aussi d’un coup de vent à trop attendre là, rien pour accroche,
pas d’harnache, pas d’ancre, alors peut-être un jour ira-t-elle plus loin faire
la rolling stone, la beauté naît de
ça, l’éphémère, le rien de garanti, cette magie de l’instant, mais en attendant
ils se tiennent là, lui tronc pas fier, elle en adhérence mystérieuse et comme
collés à bouches. Pour ça que le regard n’en fait qu’une seule de sculpture,
support/surface « arbre et tente ».
Vous
avez un message |
Vous
avez un message, sans bouteille à la mer. Le vent qui les entraîne, le souffle
des mots, la poésie se pose, même quand c’est pas beau, on croit que c’est un
P. et puis un Q., mais non, c’est le bonheur des lettres se posant sur la ligne
d’un pêcheur qui guette, qui attend dans le gris, le brouillard du matin on ne
sait s’il promet, on attend de lire ce que la lettre dit.
Truck
and go |
Le truck
imposant, dont on sait qu’il partira sans doute, mais il est là, la marque
n’est pas de lui, elle est sur la barrière, mais sera tout aussi éphémère, et
cette rémanence des ponts bleus à l’arrière, insatiables, le monde entier à
passerelles kits de la couleur préférée, l’au-delà d’une rivière pensée dans sa
forme de prêt-à-franchir, alors le rhinocéros paraît presque nouveau dans le
paysage, on prend sa force, sa disponibilité, sa capacité, son entêtement
d’être et ses zébrures noires comme un cadeau, il ne tremble pas et on sait
qu’une fois moteur allumé, ah, fera gémir les piliers et le sol, terra motta, molle la terre après son
passage. Donc à saisir avant qu’il ne quitte.
Mixer
de ville |
La
rouge à cheveux blonds dans l’éclat d’un soleil, en fin d’après-midi, attend sa
lèche, l’aime bien, il suffit d’un volant bien manipulé, de charge de sable, de
poudre grise et d’eau, la rouge elle aime bien ça la mixture à la pelle, se
fait pas prier, peut même rouler et disparaître quand le chantier est fini.
Rhapsody
in yellow and orange |
Un couple de péniches accoste,
pourquoi le dire, c’est évident, biens complémentaires, les bateaux font tache
sur le gris de l’ordinaire, sans doute venues de loin, de Hollande ou d’une Île
pas vilaine, font deux ailes, un papillon, posé sur l’eau, elles font trempette
aux bites d’amarrage, on le devine, et même les liens du couple à quai.
L’intérêt de l’attraper, avant qu’il file vers d’autres rivages. La couleur ça
étonne, ça plaît, et puis ça émoustille, c’est dans la nuit que ça démarre.
Prenez
soin de vous |
Prenez soin de vous,
prenez-vous en main, tâtez-vous le toit, couvrez-vous, on ne sait jamais de
quoi le ciel est capable, la tuile c’est quand il n’y en a pas, de toit, qu’il
laisse passer les larmes et le reste, alors mettez le condom, prenez la toile
par la corde, tendez-là, arrimez vos abattis, toc toc c’est la pluie,
qu’importe, le vert est à déploiement, il ment sur la couleur de la couverture,
n’a même pas fait semblant, les draps c’est comme ça, ça ne respecte rien, ça
couvre mais on y voit quand même la forme, parce que ça plaque et que ça moule,
avec juste ces petites ridules qu’on sait qu’on tend pas assez.
Les
petites chambres |
A
l’intérieur |
A
l’intérieur, ça vit, ça passe d’une pièce à l’autre, ça structure, c’est la
mire, la pelleteuse charrie, va et vire, tant va la cruche à l’eau, les papiers
peints se font, on va même à layette, ça croît, ça se lasse, et puis un jour
juste les murs à traces, les murs qu’on efface, les papiers peints se défont,
dans le passé ça migre, c’était bien, c’était bien, et puis adieu au cat.
Les
acacias|
La
fin au scieur de vie|
Les billes de bois prêtes à l’assaut, à quoi ça sert, la palette est
de guingois, a l'air plus légère, jusqu’à la planche de peu et point final, tout
du cycle d’une vie d’arbre là, la ligne enchevêtrée, le tas, le tas, et toi t’es là à contempler
de mort à mort le travail du scieur de vie.
20 septembre 2013